La permaculture
Mais qu’est-ce que la permaculture ?
Pour une première approche de la permaculture
Tout le monde parle de permaculture : maraîchers, jardiniers, scientifiques, professionnels ou simples passionnés. Même les vergers et les ruchers prêtent l’oreille. Est-ce un nouvel effet de mode ou plutôt un vrai bourgeon qui prend de l’ampleur et change la donne en matière d’agriculture ?
Sa meilleure chance d’être « durable », c’est de ne pas être une théorie à proprement parler, qui aurait réponse à tout. La permaculture propose des méthodes de bon sens : observer, comprendre les mécanismes du vivant, tirer parti des richesses du sol plutôt que de le saigner à blanc. Dans la pratique, on peut faire de la permaculture un peu, beaucoup, et passionnément si affinités…
Copier la nature. Le mot permaculture contracte « permanent », « agriculture » et aussi « nature ». Le principe de base est d’appliquer une méthode d’agriculture qui s’inspire de la nature et qui renouvelle sa productivité sans apports chimiques.
Que se passe-t-il dans la nature ? Dans la forêt, qui fonctionne depuis bien avant Homo sapiens, le sol et les plantes se débrouillent tout seuls. Le sol n’est jamais nu, il est nourri par les feuilles d’automne, qui sont décomposées et renouvellent la couche d’humus, c’est-à-dire la fertilité. La couverture du sol préserve aussi l’humidité, évitant le lessivage et l’érosion.
Et que font les arbres ? En l’air, les feuilles captent l’énergie solaire, extraient du carbone de l’atmosphère grâce à la photosynthèse et le transforment en substances nourricières. Sous terre, les racines puisent de l’eau et des composants minéraux. Ça semble simple, mais ce système d’échanges entre atmosphère et sol qui fait pousser les végétaux a mis des millions d’années pour atteindre ce stade. Une biodiversité complexe y travaille, où chaque élément joue son rôle et contribue à l’équilibre. Le végétal constitue le socle de toutes les chaînes alimentaires, jusqu’à notre assiette.
L’agriculture dite « conventionnelle » a essayé de s’affranchir de ce cycle en pariant sur la mécanisation et les intrants chimiques, avec un résultat inquiétant au bout de quelques décennies : appauvrissement des sols, perte de biodiversité, modification de l’atmosphère.
Donc la permaculture revient aux sources en s’inspirant des processus naturels. Retour aux sources, mais pas au temps de la bougie ! Rompre avec l’agriculture chimique implique une meilleure connaissance du végétal et surtout une meilleure compréhension de la vie du sol, car tout est là. Un sol qui a perdu ses vers de terre est condamné à la stérilité, et ça prendra du temps de lui redonner vie. La couche de terre fertile est vivante et fragile, il faut la perturber le moins possible.
Comment ça marche. En permaculture comme dans la forêt, le sol n’est jamais laissé tout nu. Il va s’enrichir en décomposant la couverture de matière organique qu’on lui met dessus (feuilles, déchets végétaux, tonte, paille, broyat de bois, etc.). La terre n’est pas retournée et on la travaille très peu, de façon à fiche la paix aux millions de petites bêtes qui s’en occupent. Vers de terre, cloportes, collemboles, et surtout bactéries, c’est eux qui font le boulot, avec les champignons. La couverture les attire vers la couche supérieure, justement celle où l’on plante les végétaux. Ils ameublissent le sol et le rendent de plus en plus fertile.
C’est le côté permanent de la permaculture. Même à partir d’un terrain quasi inculte, le sol au fur et à mesure va devenir autonome et capable de produire en continuité, et de plus en plus. Le terrain est souvent aménagé en « buttes » ou en plates-bandes surélevées. Selon les cas, on sème, on repique ou on plante. Les légumes poussent en mélange avec des fleurs, des aromatiques, etc., les interstices restant couverts. Quand on prélève par exemple un pied de salade, on plante aussitôt autre chose à la place pour occuper l’espace. Quand une plate-bande est récoltée, on peut y semer un engrais vert en attendant la prochaine culture. Celui-ci va occuper le terrain, contrôler les mauvaises herbes, éventuellement apporter de l’azote, puis servir à son tour de couverture.
La parole aux sceptiques. Mais c’est une méthode de feignants, persiflent les ricaneurs… Où sont la bêche et la charrue, symboles bien ancrés du travail de la terre ? Et puis c’est un vrai fouillis, tous ces mélanges de légumes et de fleurs hirsutes, en plus avec des groseilliers ou autres qui poussent en plein travers, et même des fruitiers, non mais quel désordre ! C’est ça, le retour aux sources ?
Le hic, c’est que ça pousse ! Bon, le jardinier a quand même du boulot, ça serait trop beau… Surtout il doit observer, entrer en complicité avec la nature pour travailler avec elle plutôt que contre elle. Et la biodiversité d’accord, mais on ne veut pas d’une friche ! Or les mauvaises herbes aussi adorent la permaculture. Et les limaces, tiens !
Côté vergers. Et les arboriculteurs, dans cette histoire ? Des expériences intéressantes rapprochent le verger de la permaculture et plus largement de l’agroforesterie. L’objectif est d’augmenter la biodiversité. On replante des haies, dont les fleurs vont attirer et nourrir les abeilles et autres auxiliaires. On sème des fleurs mellifères (phacélie, mélilot, etc.). Tiens, et si on ajoutait des arbustes à petits fruits ? Et quand on désherbe un rang de pommiers, pourquoi laisser le sol nu ? L’herbe va repousser, fatalement. Si on le recouvre de broyat, celui-ci enrichira le terrain, ainsi que les déchets de tonte et de taille. Après, le désherbage est plus facile, et le sol devient plus équilibré.
De fil en aiguille, le verger peut carrément prendre un air de jardin, intégrant fruitiers, petits fruits, légumes, fleurs, selon l’envie et la fantaisie du propriétaire. Ce système combine des productions en trois étages, arbres, arbustes et culture au sol. Au grand bénéfice de tous les auxiliaires naturels, qui prennent le relais de la chimie.
Au final, qu’est-ce qui manque à ce tableau bucolique ? Un rucher, pardi, abrité derrière un bosquet laissé sauvage. Et là, c’est le jardin du paradis !
Jean-Luc Michel
(Pour approfondir les questions sur la vie du sol, on trouve facilement sur Internet des vidéos d’agronomes en pointe tels que Claude et Lydia Bourguignon, Konrad Schreiber…)