Cours de taille à Triembach

20 février 2016 avec le moniteur Francis Fuchs

Ce samedi 20 février après-midi, nous étions une vingtaine d’amateurs attentifs dans le verger de M. le maire de Triembach, que nous remercions chaleureusement pour son accueil. Heureusement, la pluie a cessé au bout d’un moment, ce qui a permis au moniteur Francis Fuchs de faire durer son cours de taille quasi trois heures ! Et nous avons apprécié, car il est précis, pédagogue, expliquant bien les raisons et le but de ses interventions sur les arbres. Il répond aux questions avec clarté et bonne humeur.

Taille douce !

Premier principe : Francis évite de tailler trop sévèrement, ce qui brutaliserait l’arbre (sauf s’il faut restructurer un arbre adulte, et encore). D’abord il regarde l’arbre en tournant autour, pour se rendre compte de ce qui ne va pas. Et il s’interrompt au fur et à mesure de la taille pour prendre du recul.

Sur les pommiers jeunes par lesquels Francis commence, il privilégie la formation du gobelet, sans pour autant supprimer la charpentière centrale. Celle-ci se divisant en deux ou trois, il garde le départ le plus chétif, et c’est une règle générale : si on laisse pousser la branche la plus vigoureuse, elle va accaparer trop de sève et l’arbre va « filer » vers le haut. Tout ce qu’on fait pour le freiner est positif. Donc ailleurs aussi on enlève les départs verticaux, qui préfigurent chacun un « arbre dans l’arbre », le contraire de ce qu’on veut.

Si on coupe une branche d’une certaine taille, on le fait après un rameau qui sera chargé de tirer la sève, de façon à favoriser la cicatrisation. Sinon, on coupe la branche à sa base, mais en laissant un chicot (ou talon) d’1 à 3 cm selon le diamètre, coupé en biais, qui va sécher et laisser l’arbre cicatriser au niveau de l’embranchement (si on coupe ras, c’est porte ouverte aux infections, notamment fongiques).

Notre moniteur élimine aussi tous les rameaux rentrant vers l’intérieur ou trop tournés vers le haut. En gardant bien sûr certaines branches courbées vers le haut, qui s’inclineront sous le poids des fruits. Il enlève celles qui se tournent vers le bas : mauvais chemin pour la sève, dépérissement certain à terme. Il cherche à dévier la sève vers l’extérieur de l’arbre, en faisant des bifurcations latérales : le « chef » ne sera pas le rameau neuf le plus beau ni le plus direct, mais plutôt celui qu’on garde en suivant plusieurs embranchements latéraux, et s’il y a le choix on privilégie le moins fort, car il tirera moins de sève vers l’extrémité.

En effet chaque branche a un « chef » (du latin caput, capitis, la tête), c’est le rameau qui se trouve à l’extrémité. On ne raccourcit pas ce dernier rameau, au contraire, on le laisse aller au bout. Mais tout le long de la branche on enlève les rameaux neufs poussant dessous, ou rentrants vers l’intérieur, ou parallèles au chef, ou touchant une autre branche.

Francis insiste comme Jean-Claude Naas sur les rameaux de l’année précédente : si on raccourcit le bois neuf, l’arbre refait de nouveaux départs de bois neuf, ça l’excite. Et c’est au détriment des fruits. Donc il faut l’éliminer dès sa base, en laissant sur chaque branche un « chef » bien dirigé et allant au bout. Si Francis doit raccourcir un rameau de l’année plutôt que le couper, il s’arrête sur un bourgeon à fruit (rond) tourné vers l’extérieur.

Sur les poiriers de 30 ans qu’il taille après, Francis respecte la configuration pyramidale de ces arbres, dite aussi « en sapin ». Il faut les aérer sans abîmer la structure. Il enlève ce qui embrouille l’intérieur ou qui redouble les branches les plus intéressantes, et ce qui est tourné vers le bas ou vers l’intérieur. Ces poiriers alternent (ils ont des fruits un an sur deux). Francis relève que c’est inhabituel, probablement dû au fait qu’on les laisse porter trop de fruits ! Il élimine donc pas mal de rameaux portant bourses à fruits (renflement bien visible du rameau) ou bourgeons floraux (ronds et avec du jaune sur le poirier), de façon à limiter la charge. Il nous montre comment certains rameaux pourraient porter jusqu’à 30 poires… La taille est un moyen de limiter la pousse de l’arbre, mais aussi de contrôler sa production, donc d’éviter la casse de branches trop chargées. Et, dans le cas de ces poiriers, d’éviter l’alternance annuelle.

Résultat, après cette taille, les poiriers ont meilleure allure. Il y a pas mal de bois par terre, ils vont « repartir » avec entrain ! Pourtant ils ne sont pas défigurés. Une fois feuillés, on ne devinera presque pas la taille. Car une bonne taille est discrète : un visiteur ne distingue quasiment pas les interventions et l’arbre donne une impression de naturel et d’harmonie. Branches bien réparties, pas de chevauchements ni de fouillis.

Francis nous a bien montré comment et pourquoi il évite de trop couper : il faut anticiper sur les prochaines années et ne pas trop « chatouiller » l’arbre, qui sinon va se dépêcher de produire du bois neuf. Mieux vaut y aller progressivement et laisser des branches qui seront coupées les années suivantes. Le but est d’encourager l’arbre à faire des fruits, pas du bois. On revient toujours à la notion de taille douce.

Restructuration d’un arbre adulte

La séance se termine avec un « vieux » mirabellier d’environ 30 ans, à la vaste charpente. De grosses branches ont poussé très loin, et certaines sont bien atteintes par les insectes ou les champignons. On pourrait croire l’arbre condamné et l’achever à la tronçonneuse. Francis fait le pari qu’il est possible de le restructurer, mais là aussi sans brutalité excessive : il faut « lui en laisser et revenir les années suivantes ». On y voit déjà plus clair en éliminant les grosses branches sèches ou malades et donc condamnées. Francis sectionne à la scie juste après un nouveau départ prometteur et ramenant l’arbre à un centre de gravité plus proche du tronc (le vent a déjà cassé plusieurs grosses branches). Il élague aussi le haut, en laissant quand même assez de rameaux à fruits. Il enlève toute une partie du branchage qui part vers la route par-dessus la haie.

En gros, l’arbre a perdu un tiers de son volume, mais il n’est pas massacré. Puisqu’on lui laisse de quoi fructifier tout en redémarrant sur des branches jeunes, il a de bonnes chances de s’en tirer. Il faudra continuer de s’en occuper après l’avoir laissé se reprendre tranquillement deux ans au moins. Francis explique que si on le réduisait à de gros moignons, il serait cuit. Un arbre est un organisme vivant, l’arboriculteur doit le piloter en douceur et en respectant sa logique, sachant que chaque variété a la sienne.

Conclusion

Francis a organisé son cours en trois séquences : jeunes pommiers, poiriers en pleine production, et pour finir un vieux mirabellier à qui on redonne sa chance. Pour chacun de ces cas de figure, il a proposé une méthode claire et souple, avec des principes faciles à comprendre : l’envie de pousser de l’arbre et la nécessité de le freiner, le chemin de bas en haut de la sève et les ruses pour la dévier vers les bords, la tactique pour limiter la production de bois en favorisant les fruits tout en évitant la surcharge, etc. Amateur expérimenté ou débutant intimidé, chacun de nous devrait pouvoir en profiter.

Francis répond encore à des questions sur le matériel qu’il emploie. Il nous recommande de prendre de bons outils, bien conçus, robustes, durables. Bien affutés pour couper ou scier net, ergonomiques et légers pour ne pas se faire mal. Toutes choses peu compatibles avec bas de gamme et premier prix… Pour le sécateur, outil de base, n’hésitez pas à demander conseil à notre président Jean-Claude Naas.

Enfin, très important, pensez à désinfecter les outils à l’alcool avant chaque usage pour éviter la propagation des maladies.

Bientôt chacun mettra tous ces bons conseils en musique dans son verger, sécateur en main et scie égoïne en poche. Et le soir on rêve déjà des récoltes 2016. On aura des pommes, des poires, des coings, des pêches, et puis des cerises, et des quetsches, des mirabelles. Ah, le val de Villé, c’est le paradis des vergers !